ton sol récolte nos intempéries - chevron - 8 juillet 2025
- pmissap
- 8 juil.
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Définition (Larousse) : Chevron n. m.
Élément de charpente incliné, fixé sur une panne, destiné à recevoir la couverture.
Motif en forme de V ou de zigzag, utilisé en ornementation textile ou graphique.
Cette forme circule entre les mondes : celui du bâti, du textile, de l’agriculture. Le chevron me permet de tisser un lien entre ce que l’on érige pour tenir debout et ce que l’on répète pour faire motif. Il incarne à la fois un geste de structure et un geste de surface. Un entre-deux, qui relie l’utile au sensible, le visible au porteur.
À la base du chevron, il y a le triangle — figure élémentaire. Le triangle, c’est l’équilibre, la tension répartie. Choisir le chevron, c’est donc choisir une forme qui guide, une forme qui salue ce qui tient.
Inspirée des tisserandes, je choisis donc le chevron, une trame ancestral, courant dans les couvertures, les étoffes, les tapis. Il apparaît sur les métiers à bras, fil après fil, tension après tension. Il nécessite de la précision, de la patience, de la régularité. Dans chaque ligne tissée se dessine une pulsation visuelle qui soutient la matière.
Je pense aussi aux charpentes, celles de l'architecture agricole; des granges, des séchoirs à foin, des hangars. Là aussi, le chevron est structurel : il soutient la couverture, résiste au vent, répartit le poids. C’est une présence discrète qui rend l’abri possible.
Et puis, je pense au champ.
En agriculture, certaines géométries se répètent : les tracés en dents de scie, les rangs décalés, les lignes obliques des outils à disques ou des herses. Ces angles, ces « V » ouverts ou fermés, creusent le sol, guident les semences. Ici, le motif n’est pas décoratif — il est fonctionnel.
Ces lignes en dent de scie évoquent aussi l’imprévisible : le zigzag de la météo, les ruptures dans le calendrier de travail, les conditions changeantes du sol. Il faut composer avec les pentes, les textures, la pluie, la sécheresse, les imprévus. Dans les espaces agricoles comme dans la nature sauvage, rien ne suit une ligne parfaitement droite. Il y a ce qui résiste, ce qui échappe. La composition en chevron, semé avec le lin, le canola et le sarrasin, assume cela. Il affiche une trame faite de pointes, d’interruptions.
Comme un rythme qui oscille entre l’ordre et la fracture.
Il y a dans ce dessin végétal une sincérité. Elle dit l’effort de construire, mais aussi la vulnérabilité de ce qui est soumis aux intempéries. Le chevron devient alors le reflet de cette tension : celle entre la rigueur des gestes et les impondérables du vivant.
En choisissant de construire ton sol récolte nos intempéries selon une trame en chevron, je reconnais ces gestes anciens : charpenter, tisser, cultiver. Trois verbes qui, ensemble, ont façonné le territoire, la mémoire et nos manières d’habiter.
Le chevron devient ici plus qu’une composition visuelle : il devient langage. Une manière de relier les éléments du projet entre eux. Un ancrage formel, mais aussi une reconnaissance des corps qui tracent, soulèvent, alignent, répètent. Ceux des bâtisseurs de granges, des fermières, des artisan·es du vivant.



















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