ton sol récolte nos intempéries - la préparation du sol et les semences - 29 juin 2025
- pmissap
- 29 juin
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Semer, c’est entrer dans un dialogue constant entre la météo et le sol.
C’est une écoute active du vivant, un échange inégal où l’on propose quelque chose — une semence, un geste, une intention — sans garantie de réponse.
Quand on commence les semences, on se retrouve dans une tension insoutenable : on veut qu’il pleuve, mais pas tout de suite. On espère la pluie sur les semences fraîchement déposées, pour enclencher la germination. Mais en même temps, on redoute cette pluie, car elle peut nous empêcher de continuer les semis, qui s’étalent souvent sur plus d’une dizaine de jours. Si la pluie n’est pas là au bon moment, la graine peut ne jamais germer. Si elle est trop abondante, impossible d’entrer au champ. Tout s’arrête.
Et parfois, après plusieurs jours de pluie, un sol qui était fin prêt à accueillir les semences devient soudainement hors d’accueil : trop tassé, trop dur, presque comme une surface bétonnée. Ce qu’on avait préparé avec soin se referme sur lui-même. Il faut recommencer, repenser, attendre encore.

Ça déchire. C’est peut-être l’un des sentiments d’impuissance les plus bruts que l’on puisse vivre face à la nature. Une impuissance qui se heurte à de grandes responsabilités : celles qui permettent de vivre — le travail, la survie, l’alimentation.
Derrière une saison, il y a une multitudes de choix. Et souvent, des investissements majeurs. Les cultivars à eux seuls peuvent représenter près de 100 000 $ par an pour un agriculteur. Il faut les supporter, les rendre possibles, les mettre en terre dans les conditions les plus adéquates. Pas trop tôt. Pas trop tard. Ni trop sec. Ni trop mouillé. Toujours à la merci de quelque chose qui nous dépasse.
Et avant même de penser à semer, il faut préparer le lit de semence : labourer, déchaumer, aplanir… et ramasser les roches. Parce que ce n’est pas tout que de niveler un champ : encore faut-il qu’il ne casse pas les disques, les dents ou les semoirs au premier passage. Les roches remontent chaque année. C’est un travail sans fin. On ne les élimine jamais complètement, on les déplace, on les isole, on les ramasse — parfois à la main, parfois à la machine — en espérant qu’elles restent tranquilles, au moins pour une saison.
Le sol, lui aussi, impose ses règles. Un sol argileux présente des défis, tout comme la terre noire ou les sols sablonneux. Il faut connaître ses champs intimement, parce qu’une seule parcelle peut contenir plusieurs types de sol. C’est une science. Une lecture fine du vivant. Une mathématique quotidienne de la texture, de la structure, de l’humidité, de la portance, de la composition.
Et là-dedans, il y a la machinerie. Elle aussi, c’est une alliée capricieuse.Elle peut briser. Elle peut s’enliser. Les pièces coûtent cher, l’entretien est constant, le stress est toujours présent. Un bris peut faire basculer toute une journée. Et on voit s'écouler du temps, de l’argent, et on le sol en attente.
Cultiver le sol, c’est tenir ensemble l’espoir, la tension, l’expertise et la vulnérabilité. C’est rester à l’écoute, même quand rien ne répond.

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