ton sol récolte nos intempéries - les cultivars - 29 juin 2025
- pmissap
- 29 juin
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Derrière chaque ligne semée, il y a un geste, un souvenir, une intuition. Pour ce projet au champ, j’ai pensé les plantes comme on pense les fils d’un tissu : chacune avec sa texture, sa teinte, sa fonction.
Depuis quelques temps, j’intègre à ma pratique artistique des techniques issues des métiers d’art textile – tressage de tapis, tissage au métier à l’aide de cordes à balles récupérées. Ces gestes de filiation, je les ai appris auprès de ma grand-mère paternelle, dans la continuité d’un savoir transmis par les cercles de fermières.
L’œuvre à venir au champ est un hommage aux gestes anciens qui liaient l’agriculture à l’artisanat, à la résilience. Les cultivars choisis sont porteurs de cette mémoire.
canola (jaune) – pour sa densité dorée, vibrante, sa puissance dans le paysage.
sarrasin (blanc) – humble et discret, il laisse la place à une respiration dans la composition.
lin (bleu) – plante textile, mémoire du fil et du tissu, en plus d'être comestible.
trèfle incarnat (rouge) – une variété mellifère, rouge intense.
Ces plantes, je ne les ai pas choisies seulement pour leurs couleurs, mais pour ce qu’elles incarnent : une qualité chromatique au service d’un dessin végétal, certes, mais aussi des fonctions enracinées dans les besoins humains fondamentaux.
Se vêtir. Se nourrir. Créer une œuvre vivante avec la terre comme canevas.
L’œuvre, vue de la route, devient un outil de communication entre l’espace agricole et les passants. Un champ bordé de fossés, d’asphalte, de friches de végétaux sauvages et d’arbres. Vue d’en haut, elle devient picturale : une composition colorée encadrée non par un cadre rigide, mais par les aléas du vivant. Le cadre y perd son sens utilitaire — orner, limiter — au profit d’un geste contrôlé au centre d’une nature libre.
Le motif dessiné au sol adoptera une forme en chevron, évoquant à la fois les codes des textiles traditionnels et une direction rythmée dans le paysage.
Les récoltes seront la conséquence de l’œuvre. Elles existeront, oui, mais elles ne représentent pas l’objectif du projet. Nous les ferons, ou non. J’inviterai les gens à venir moissonner à la main. Ils pourront repartir avec leur bouquet de cueillette. Ainsi, les plantes pourraient nourrir un projet de création ultérieur ou retourner à la terre comme engrais vert — un cadeau au sol.
L’agriculture installe dans l’horizon ses champs d’espoir : pour l’alimentation humaine et animale, pour la confection de textiles, pour les cultures à venir. Mais les passants ne perçoivent pas forcément la nature intrinsèque d’une parcelle de céréales. Le blé, c’est le pain. L’avoine, le gruau. Et pourtant, dans l’ignorance, surgit la curiosité. Ce comportement humain — tenter de nommer, de trouver un sens — m’inspire.
Intégrer au paysage une œuvre avec une fonction sociale, c’est provoquer des questionnements. Ma proposition s’intéresse au message à porter, aux doutes à semer, aux dialogues à cultiver. En géographie, le paysage est considéré comme une interface sensible entre la nature et la culture. J’utilise le paysage comme médium, pour explorer les sensibilités liées à la culture de la terre.

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